-6 000

Néolithique

UN CHANGEMENT DE RÉGIME ALIMENTAIRE

Pendant le paléolithique (- 800 000 à – 10 000 ans) et le mésolithique (- 10 000 à – 6 000 ans), les chasseurs-cueilleurs trouvent le sel (en réalité, le sodium) dans la chair du gibier et du poisson dont ils se nourrissent.
Au cours du néolithique (- 6 000 à – 2 200 ans), l’Homme se sédentarise. Son régime alimentaire se modifie profondément et ses besoins physiologiques en sel ne sont plus couverts. De plus, l’extension de l’agriculture et la domestication d’animaux, font apparaître de nouveaux besoins en sel pour conserver les aliments (et assurer ainsi un équilibre entre périodes de disette et d’abondance), le tannage du cuir ou l’amélioration de la production laitière.

QUELQUES SITES D’EXPLOITATION DES SOURCES SALÉES

Le plus ancien exemple connu d’exploitation d’une source salée, en Europe, se situe en Roumanie (Poiana Slatinei) où la saumure était aspergée directement sur de grands foyers, dès la première moitié du VIe millénaire avant notre ère.

En France, à peu près à la même époque, les sources salées de la vallée de l’Asse, dans les Alpes de Haute Provence (Moriez et Tartonne), font l’objet d’une exploitation qui ne prendra fin qu’au XIXe siècle.

En Chine, le site de Zhongba est exploité depuis la fin du néolithique, en particulier pour la salaison des poissons.Le bouillage de sel marin

Le site de La Mastine – Pied-Lizet (dans le Marais poitevin) exploitait le sel marin à partir du IVe millénaire par la technique du briquetage.

LA FABRICATION DE SEL IGNIGÈNE
LA FABRICATION DE SEL IGNIGÈNE

A cette époque, le sel est principalement obtenu par évaporation d’eau salée sur un foyer, d’où le terme
« ignigène », de « ignis », le feu. Plusieurs techniques coexistent : briquetage (l’eau salée est chauffée dans des moules en terre cuite) ou cristallisation directe sur des foyers spécifiques. La saumure utilisée pouvait être de l’eau de mer ou de l’eau de sources salées. Ce furent probablement les bêtes sauvages regroupées par instinct autour des résurgences d’eau salée qui permirent aux humains de repérer cette source de sel.

LA PLUS VIEILLE VILLE D’EUROPE S’EST FONDÉE AUTOUR D’UNE EXPLOITATION DE SEL

Provadia-Solnitsata, en Bulgarie, serait la plus vieille ville d’Europe, fondée il y a environ 6 500 ans. Entourée d’une fortification, elle comptait près de 350 habitants, un centre religieux et des commerces. Le commerce du sel dota les habitants de la ville d’un énorme pouvoir économique, comme semble l’indiquer certaines tombes.

LES PLUS ANCIENNES MINES DE SEL

L’Azerbaïdjan abrite la plus ancienne mine de sel connue à ce jour. Le gisement de sel de Duzdagi (terme signifiant « montagne de sel » en azéri), était exploité dès 4 500 avant notre ère.
En Europe, la plus ancienne exploitation de sel gemme se situe en Espagne, à Cardona, en Catalogne, où l’on extrayait de gros blocs d’une carrière à ciel ouvert, dès 4 200 avant notre ère.

UNE MONNAIE D’ÉCHANGE

Le sel n’a pas uniquement un rôle alimentaire ou de conservation. Dès le néolithique, il acquiert une haute valeur d’échange, du fait de sa rareté, de son utilité croissante et de sa capacité à être stocké sous forme de pains de sel. Le sel intervient dans les grands réseaux d’échanges qui se mettent alors en place, parfois sur plus d’un millier de kilomètres.

Références :

+ Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dossier Archéologie du sel.
+ Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

-2 200

Âge du bronze et du fer

 

Une activité en plein essor

De l’âge du bronze (- 2 200 à – 800 avant notre ère) à l’âge du fer (de – 800 à la conquête romaine), la production de sel se développe considérablement et, avec elle, un commerce fait de réseaux d’échanges d’objets, organisés parfois sur de très longues distances. Les sources et gisements de sel jouent un rôle économique et social majeur. Le sel devient un symbole de richesse pour les sociétés qui le produisent et en contrôlent l’exploitation.

UNE EXPLOSION DES ÉCHANGES

Dès l’âge du bronze, plusieurs axes commerciaux coexistent : l’Atlantique (de la péninsule ibérique aux îles britanniques), le Rhône et le Danube, la Méditerranée. À l’âge du fer, avec le développement de la civilisation celte du Hallstatt, des échanges avec d’autres civilisations s’intensifient : Phénicie, Grèce, Rome.

La civilisation de Hallstatt

A partir du VIIe siècle avant notre ère, les mines de sel de Hallsatt, dans les Alpes autrichiennes, donnent naissance à une société celte, riche et hiérarchisée, qui a donné son nom au premier âge du fer.

DU JAMBON GAULOIS SUR LES TABLES ROMAINES

L’industrie alimentaire liée au sel se développe : le sel est utilisé pour saler viandes et poissons, pour assaisonner les mets mais aussi pour fabriquer des conserves dans de grands saloirs en terre cuite qui voyagent dans toute l’Europe, comme ces jambons gaulois, fort réputés, exportés jusqu’en Italie.

OÙ EXPLOITE-T-ON LE SEL ?

De nombreux sites d’exploitation, en Europe et dans le monde, témoignent du dynamisme de la production de sel de cette époque.
En France, on exploite les sources salées par briquetage, en Lorraine, dans la vallée de la Seille (Moselle), dans l’Yonne, à Fontaines salées ou, dans le sud-ouest, à Salies-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques) ou à Salies-du-Salat(Haute-Garonne). Sur le littoral languedocien, comme à Ensérune (Hérault), les étangs salés et poissonneux permettent l’essor de l’industrie du sel et des salaisons. Les archéologues ont également découvert de nombreux sites de production sur le littoral atlantique, comme, par exemple, les ateliers de sauniers de Sorrus (Pas-de-Calais) ou les sites des bouilleurs de sel de Landrellec et Enez Vihan (Côtes-d’Armor). C’est toute la façade atlantique de l’Aquitaine à la Belgique en passant par l’Angleterre qui connaît le briquetage de sel marin.

Marsal fut exploité de manière quasi industrielle et fournissait en sel le Bassin parisien, la Rhénanie, la Bourgogne et la Franche-Comté.
LE SITE DE MARSAL

Du VIIe siècle avant notre ère à la conquête romaine, Marsal fut exploité de manière quasi industrielle et fournissait en sel le Bassin parisien, la Rhénanie, la Bourgogne et la Franche-Comté. On estime que les ateliers s’étendaient sur 11 km et employaient plusieurs milliers d’habitants du secteur. Durant cette période, entre 3,5 et 4 millions de m3 de sel ont été extraits.

 LES PREMIERS MARAIS SALANTS

Le sel semble avoir joué un rôle dans les premiers développements de Rome. Les textes latins attribuent la création des premières salines à Ancus Marcius (IVe siècle avant notre ère) qui s’empara du littoral et créa Ostie où l’on aménagea des salines qui fournissaient les bergers de l’arrière-pays par la Via Salaria. Vers 200 avant notre ère, des marais salants semblent coexister avec des ateliers de briquetage dans les régions d’Ostende et de Zeebrugge.

En Vendée, le site de Nalliers présente peut-être une forme de prototype de marais salants. En effet, il n’est pas impossible que les vasières installées dans le but de produire des argiles salées soient en réalité des dispositifs évaporatoires saisonniers liés au mouvement des marées.

EN CHINE

Zhongba, dans le secteur du barrage des Trois-Gorges, sur le fleuve Yangtsé, fut un site d’exploitation du sel par briquetage de la fin du néolithique à l’âge du fer (2 500 à 200 avant notre ère). Au cours de la dynastie Han, le mode de production connut une évolution, remplaçant le briquetage par des « fours dragons » pour bouillir le sel. Plusieurs sites d’ateliers de production de sel datant de l’âge du bronze ont été fouillés dans la baie de Laizhou, sur le fleuve Jaune.

Références :

+ Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dossier Archéologie du sel.
+ Shuicheng L. et Olivier L. L’archéologie de l’industrie du sel en Chine. Antiquités nationales, 2009, n°40, pp. 261-278.
+ Daire M-Y. Le sel à l’âge du fer : réflexions sur la production et les enjeux économiques. Rev. Archéol. Ouest, 16, 1999, p. 195-207.

-800

L’époque Gallo-Romaine

L’EXPANSION GALLO-ROMAINE

L’époque gallo-romaine connaît une nouvelle intensification des échanges commerciaux grâce à l’amélioration du réseau routier en Gaule et du développement des transports maritimes autour de la Méditerranée. Dans le Midi, on expédiait vers les ports phéniciens et grecs, le sel et les salaisons dans des amphores, à partir de comptoirs commerciaux situés, le plus souvent, à proximité des salines. 

HUÎTRES EN SAUMURE ET GARUM

La cuisine romaine fait grande consommation de sel : salaison de viandes, coquillages conservés en saumure, légumes marinés et un condiment très apprécié, le garum, que l’on peut comparer au nuoc-mâm asiatique.

LA FABRICATION DE SEL IGNIGÈNE
LES SALINES ROMAINES

Sous la domination romaine, l’apparition du système des marais salants sonne progressivement le glas du briquetage. À Vigo, en Espagne, une saline romaine possède des évaporateurs-cristallisoirs présentant une structure empierrée dont les bassins, tapissés d’une fine couche d’argile imperméable, sont séparés par d’étroits murets très semblables à ceux de certains marais salants actuels.

UNE USINE GALLO-ROMAINE DE GARUM

Le site de Plomarc’h Pella (Finistère) est sans doute la plus importante installation de production de garum connue en Europe à cette période.  

LES « POÊLES À SEL »

La technique de cuisson de l’eau salée subsiste malgré l’apparition des salines. Mais elle se transforme dans un souci d’amélioration de la productivité, avec des bassins de très grande taille, ancêtres des « poêles à sel ». C’est le cas à Conchil-le-Temple, dans le Pas-de-Calais, où on estime que le fourneau pouvait produire 950 kg de sel ignigène à chaque fournée.

UNE FORCE DE CONQUÊTE

Le contrôle de l’approvisionnement en sel fut l’une des clés de l’expansion militaire de l’empire romain. Les armées emportaient avec elles des salaisons qui assuraient une partie de l’approvisionnement. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, où de nouvelles techniques de conservation apparurent, le sel continuera à jouer un rôle crucial dans les grandes conquêtes maritimes.

LE SALAIRE DES LÉGIONNAIRES

La production et la distribution de sel devint très tôt monopole d’État à Rome afin d’éviter la pénurie et de limiter la spéculation. Rome pouvait ainsi verser une partie de la solde de ses soldats sous forme de ration de sel, le salarium, qui donnera naissance à notre mot « salaire ».

Références :

+ Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dossier Archéologie du sel.
+ Hocquet J-C et Sarrazin J-L. Le sel de la baie : histoire, archéologie, ethnologie des sels atlantiques. Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2006.

476

Moyen âge

 

UNE AMÉLIORATION DES TECHNIQUES

Après l’effondrement de l’empire romain, peu de traces liées au sel nous sont parvenues. Il semble néanmoins que ce soit au cours du Haut Moyen Âge (Ve au Xe siècle) que la structure des marais salants atlantiques, avec canaux et œillets ou séries de bassins, s’élabore réellement. Dans le courant du Moyen Âge, les techniques de production de sel ignigène s’améliorent avec l’utilisation de poêles à sel en plomb, comme à Salies-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques) ou l’usage d’une patenôtre, roue permettant de remonter l’eau salée du puits par une série de godets à Salins-les-Bains (Jura) au XVe siècle.

LE SEL DE SABLE

Dans la baie du Mont-Saint-Michel, la baie de Seine et le long de la Manche, une technique originale de production de sel fait son apparition. Elle consiste à labourer les plages et entasser le sable récolté pour le laver au-dessus d’une fosse et le filtrer peu à peu afin d’en extraire le sel. Cette saumure était ensuite bouillie selon la technique du sel ignigène.

 

L’ESSOR DES SALINES

Jusqu’au XIIIe siècle, le sel est principalement exploité par des monastères, parfois par des domaines seigneuriaux. Au XIIIe siècle, la progression démographique et la croissance économique entraîne l’essor des salines. Des caravanes de sel traversent l’Europe grâce aux améliorations techniques des attelages. Le transport fluvial (Rhône ou Loire) du sel se déploie. Le Duché de Bretagne se développe, en grande part, sur l’activité salicole. Venise connaît la prospérité grâce au commerce du sel. Le sel devient un enjeu de monopole fiscal pour les monarques.

La dernière poêle à sel française

Salins-les-Bains abrite la dernière poêle à sel conservée en France. Elle a été restaurée récemment  et peut être admirée lors de la visite de la Saline.

L’INSTITUTION DE LA GABELLE

En 1246, Saint-Louis finance sa croisade en instituant une taxe temporaire sur le sel. Au niveau féodal, c’est Charles d’Anjou, Comte de Provence, qui l’installe en 1259. En 1286, Philippe le Bel, toujours à court d’argent, la remet en vigueur. Sous Philippe VI de Valois, la gabelle est définitivement instaurée en 1341 et le monopole de la vente du sel revient au pouvoir royal en 1343.

 

LA GABELLE

La gabelle (de l’arabe kabala, taxe) s’applique initialement à toutes sortes d’impôts mais bientôt elle ne concernera que la taxe sur le sel et deviendra l’impôt le plus honni de l’Ancien Régime. Cet impôt est particulièrement injuste car son régime varie selon les provinces. Dans les pays de grande gabelle, la population est obligée d’acheter une quantité fixe de sel aux greniers du roi tandis que d’autres provinces sont exemptées. Ces différences entre pays générèrent de fortes disproportions dans le prix du sel. La tentation était donc grande de passer le sel en contrebande.

 

LES FAUX-SAUNIERS

Étaient considérés comme faux-sauniers, aussi bien les producteurs de sel qui « volaient » l’eau de mer, les transporteurs de contrebande et leurs complices, que les acheteurs. Même celui qui ne consommait pas assez de sel, le « sel du devoir » imposé par le roi, était accusé de faux-saunage. Ce trafic était fortement réprimé : condamnation à la prison, aux galères, voire à la peine de mort, comme ce sera le cas de Mandrin au XVIIIe siècle.

FERMIERS GÉNÉRAUX ET GABELOUS

Le roi délègue la gabelle aux fermiers généraux qui lui avancent les sommes puis se remboursent sur la population en recourant à des moyens souvent peu recommandables. Les fermiers s’appuyaient sur les gabelous pour le recouvrement de l’impôt. Les gabelous surveillaient également les frontières entre provinces où le trafic était intense, d’où le surnom de gabelou donné au douanier, aujourd’hui encore.

L’ESSOR DES GRANDES PÊCHES AU HARENG ET À LA MORUE

À la fin du Moyen Âge, le transport maritime du sel se développe. Le cabotage est intense sur les rives de la Méditerranée comme de l’Atlantique. Les Anglais, les Hollandais et les Allemands de la Hanse envoient des flottes de bateaux chercher le sel nécessaire à la salaison du hareng et de la morue. La baie de Bourgneuf est alors, grâce au sel, une zone stratégique comme l’est de nos jours le golfe persique pour le pétrole.

EN CHINE

Dès le Xe siècle, les Chinois semblent avoir extrait du sel par dissolution en injectant de l’eau dans une mine de 300 m de profondeur à l’aide de tuyaux en bambou.

Références :

+ Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dossier Archéologie du sel.
+ Daire M-Y. Le sel à l’âge du fer : réflexions sur la production et les enjeux économiques. Rev. Archéol. Ouest, 16, 1999, p. 195-207.

1492

Epoque moderne

DES RÉVOLTES POPULAIRES CONTRE LA GABELLE

A la Renaissance, les besoins en sel explosent en raison de la forte augmentation de la population. Le pouvoir royal y voit une source de profit pour financer ses guerres. François Ier cherche à unifier et étendre la gabelle pour consolider les recettes de son royaume. L’Angoumois et la Saintonge, des provinces jusqu’alors non soumises à la gabelle, se voient imposer le prix du sel « gabelé » nettement plus élevé. En 1548, la jacquerie des Pitauds est la première d’une série de révoltes contre la gabelle. Des émeutes éclatent, des châteaux sont pillés, des gabelous sont tués, une répression sans merci est mise en place par Henri II. La gabelle est finalement supprimée dans ces provinces qui deviennent « rédîmées » en 1549, c’est-à-dire exemptées de gabelle, en échange d’une forte somme. Les révoltes se poursuivent pendant toute cette période avec les Nu-Pieds, dans le Cotentin, en 1639, ou les Bonnets-Rouges, en Bretagne, en 1675.

LE SEL, MATIÈRE PREMIÈRE DE L’INDUSTRIE DU MINERAI D’ARGENT
MANDRIN ET AUTRES FAUX-SAUNIERS

Le transport, la manutention et la vente du sel occupent une grande partie de la population, qu’il s’agisse de sel de gabelle ou de sel de contrebande. Le faux-saunage se développe malgré la vigilance de l’État. Au XVIIIe siècle, Louis Mandrin se rend ainsi célèbre dans le Dauphiné, tandis que Jean Chouan, en Vendée, se fait connaître d’abord comme faux-saunier avant de devenir un héros royaliste pendant la révolution française.

DES PROGRÈS TECHNIQUES

Les systèmes de chauffe sont améliorés, les déperditions thermiques sont récupérées à des fins productives. Des « saumoducs » permettent d’amener la saumure au cœur de la forêt, comme à Hallstatt (XVIe siècle) ou à la Saline Royale d’Arc-et-Senans (Doubs), construite à proximité d’un massif forestier important qui reçoit les eaux salées de la grande saline de Salins-les-Bains. Au XVIIIe siècle, les bâtiments à graduation permettent de concentrer le sel de la saumure par évaporation (Arc-et-Senans). En Angleterre, la rareté du bois provoque la fermeture des salines avant qu’un nouveau combustible ne fasse son apparition : le charbon.

UNE PÉNURIE DE COMBUSTIBLE

Pour alimenter les poêles à sel des salines, il faut du bois, beaucoup de bois. A partir de la Renaissance, ce combustible commence à faire défaut car les forêts ne sont pas renouvelées. Il faut aller chercher le bois de plus en plus loin, ce qui augmente le coût du sel. Les ingénieurs de l’époque rivalisent d’inventions pour parer à ce problème.

LE SEL ÉTUDIÉ PAR LES CHIMISTES

A la Renaissance, les savants remettent en question les savoirs anciens. Le sel n’est plus seulement une substance dont les vertus dépendent de croyances populaires mais est étudié par les chimistes de l’époque. A vrai dire, ce sont les sels qui font l’objet d’analyses car on appelle alors « sel » tout corps soluble dans l’eau. Bernard Palissy, le grand céramiste mais surtout chimiste de renom, écrit : « Si le sel était ôté du corps de l’homme, il tomberait en poudre en moins d’un clin d’œil », soutenant que les sels sont essentiels à la vie humaine.

 

LE SEL, MATIÈRE PREMIÈRE DE L’INDUSTRIE DU MINERAI D’ARGENT

La conquête du Nouveau Monde bouleverse le statut du sel : vers 1555, le sel n’est plus seulement une denrée alimentaire mais devient un produit industriel, utilisé au Mexique dans un nouveau procédé d’amalgame du minerai d’argent. Cette découverte provoquera, au Mexique, une pénurie alimentaire, tout le sel produit dans les salines, les marais salants ou les lacs salés, étant réservé à cette nouvelle production.

Références :

+  Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dossier Archéologie du sel.
Unesco

1792

Epoque contemporaine

 

LA FIN DE LA GABELLE

La gabelle, impôt injuste et symbole de l’Ancien Régime, est une des causes de la Révolution française. Elle est abolie par la Constituante en 1790. Napoléon Ier rétablit un impôt sur le sel en 1806. La taxe sur le sel subsistera jusqu’après la seconde guerre mondiale où elle est définitivement supprimée en 1946.

LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE

La révolution industrielle et le développement des transports (chemins de fer et canaux) favorisent l’exploitation des gisements de sel continentaux. La production change d’échelle avec la découverte de la chimie du sel (soude, chlore). Une filière industrielle voit le jour.

LA REDÉCOUVERTE DU SEL EN LORRAINE

Si l’or blanc fut exploité en Lorraine depuis l’âge du bronze, il faut attendre 1819 pour que soit mise en évidence la présence d’une veine salifère très importante à très faible profondeur dans la région de Nancy. A partir de 1850, de nombreux sondages furent entrepris dans la vallée de la Meurthe autour de deux nouveaux axes de communication : le canal de la Marne au Rhin et la ligne de chemin de fer Paris-Strasbourg, ouvrant une nouvelle ère industrielle d’exploitation du sel.

LES PROCÉDÉS LEBLANC ET SOLVAY

En 1789, le chimiste français Nicolas Leblanc met au point un procédé permettant d’obtenir du carbonate de sodium à partir de sel marin et d’acide sulfurique (qu’on appelle alors vitriol). Malheureusement, le procédé produit des vapeurs caustiques qui brûlent les poumons des ouvriers. En 1863, le chimiste belge Ernest Solvay invente un nouveau procédé de synthèse de carbonate de sodium par l’ammoniac, à partir de sel et de craie. Plus rentable et moins polluant, le procédé Solvay supplante rapidement son concurrent et est toujours utilisé de nos jours.

 

LE PERFECTIONNEMENT DES TECHNIQUES MINIÈRES

Aux XIXe et XXe siècles, les techniques d’explorations géologiques et minières s’améliorent, le recours aux sondages pour extraire le sel de gisements profonds devient systématique, permettant de mieux connaître l’étendue des gisements de sel gemme. Dans le même temps, les techniques d’exploitation évoluent avec l’amélioration de la technique dite « des chambres et piliers abandonnés ». Cette technique est toujours utilisée à Varangéville (Meurthe-et-Moselle) qui produit aujourd’hui la totalité du sel gemme par technique minière en France.

 

LA MARCHE DU SEL DE GANDHI

Comme en France au XVIIIe siècle, la taxe sur le sel imposée par les Britanniques révolte les Indiens qui ont interdiction d’en récolter eux-mêmes. En 1930, Gandhi entame la « marche du sel », un long périple pacifique vers l’océan indien, où le rejoindront des milliers de sympathisants. Il recueille l’eau salée et, par ce geste symbolique, il ouvre la voie vers l’indépendance de l’Inde, en encourageant ses compatriotes à la désobéissance civile contre le monopole d’État.

L’ESSOR DES MARAIS SALANTS DE CAMARGUE

Le développement de l’industrie chimique transforme profondément l’exploitation des marais salants de Camargue. La production de sel, jusqu’alors artisanale, devient industrielle. À la fin du XIXe siècle, plusieurs innovations techniques apparaissent : les systèmes d’élévation de l’eau se perfectionnent grâce aux machines à vapeur. Les tables salantes se multiplient et la productivité augmente mais la récolte reste manuelle. D’autres améliorations suivront (battage mécanique, wagonnets et tapis transporteurs…). Peu à peu, l’exploitation du sel se perfectionne pour devenir, vers 1950, quasiment entièrement mécanisée.

L’ESSOR DES MARAIS SALANTS DE CAMARGUE
Références :

+ Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). Dossier Archéologie du sel.
+ Parc Naturel Régional de Camargue